Introduction
La présence de deux parties judiciaires différentes, représentées par la juridiction judiciaire et la juridiction administrative peut compliquer le système judiciaire, vu que des conflits peuvent surgir entre les deux parties en matière des compétences.
La juridiction administrative est compétente pour résoudre les conflits en matière administrative c.à.d. dans laquelle l'administration publique fait initialement partie. Les tribunaux de justice sont chargés de résoudre les litiges entre les individus. La nature ambigüe des conflits rend parfois difficile la nomination du tribunal convenable pour les résoudre, ce qui aboutit à un conflit en matière de compétence. En effet, ce genre de conflit se produit essentiellement quand deux ordres de juridiction (juridiction administrative et juridiction judiciaire) examinent le même procès tout en s'attachant chacun à son droit à l'examiner sous prétexte qu'il se classe parmi ses compétences.
En se basant sur les faits ci-haut mentionnés, le système judiciaire binaire nécessite la présence d'un comité judiciaire qui règle les conflits de compétences entre les différents ordres de juridiction (juridictions administratives et juridictions judiciaires), ce comité est connu au Liban sous le nom du "Tribunal des Conflits".
La formation du Tribunal des Conflits
Pendant le mandat Français
Sous le mandat français, le pays était assujetti aux règles appliquées à la Syrie et aua Liban en même temps. Ce qui a exigé la formation d'un seul tribunal pour trancher les conflits qui prenaient place dans les deux pays et ce, par la décision No. 2978 rendue par le Haut Commissaire français le 5 Décembre 1924. Cette décision, ainsi que certains amendements partiels de ses règlements, ont duré jusqu'à la fin du mandat. Selon le premier article de cette décision, le tribunal comprenait un président et cinq membres. Le président était le secrétaire général du Haut Commissariat alors que les membres sont comme suit: un conseiller législatif pour le Haut Commissariat, deux magistrats de la Cour de Cassation libanaise ou syrienne, l'un deux étant de nationalité française, alors que l'autre devait être un citoyen libanais ou syrien: il y avait donc deux magistrats du Conseil d'Etat syrien ou libanais, et l'un deux de nationalité française, alors que l'autre était libanais ou syriens, dépendamment de l'affaire en question, voire si elle est en relation avec un conflit de compétences entre des tribunaux libanais ou syriens.
Après le mandat
Après la fin du mandat et après l'abrogation de tous les départements et les services subsidiaires, les compétences du tribunal des conflits furent octroyées par la loi du 14 Octobre 1944 à la chambre civile de la Cour d'Appel. Les compétences du tribunal des conflits furent attribuées à la Cour de Cassation, après son rétablissement. Cependant, il était préférable de prendre en considération le principe de séparation ente la juridiction judiciaire et la juridiction administrative et de former un comité qui représente également ces deux ordres de juridiction, en établissant un tribunal y spécial, ou en se référant simultanément au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation pour examiner le conflit de compétences entre les deux ordres. En fait, le décret-loi No. 119 sur l'organisation du Conseil d'Etat émis le 12 Juin 1959 et le statut actuel depuis 1975, stipulent cela.
Selon le statut mis en vigueur actuellement
Le tribunal des conflits est formé selon le statut mis en vigueur actuellement d'un président et de quatre membres. Le président du Conseil d'Etat et le premier président de la Cour de Cassation assurent tour à tour la présidence du tribunal pour une durée d'une année judiciaire. Les membres de ce tribunal, selon le statut de l'an 1975, sont comme suit: deux membres du Conseil d'Etat, le vice président du Conseil d'Etat et un conseiller, deux membres des tribunaux judiciaires, un président de la Cour de Cassation, un conseiller de la Cour de Cassation ou un président de la Cour d'Appel désignés par le Conseil Supérieur de la Magistrature.
Le vice président de la Cour de Cassation fonctionne en tant qu'un commissaire de gouvernement auprès du tribunal des conflits quand le président du conseil le préside, alors que cette fonction sera confiée au commissaire du gouvernement quand il est présidé par le premier président de la Cour de Cassation.
Les compétences du tribunal des conflits
Le législateur libanais a donné au tribunal des conflits le pouvoir de régler les conflits de compétence négatifs, le conflit des décisions conduisant à un déni de justice, le conflit de jurisprudence ente les juridictions administratives et les juridictions judiciaires. Cependant, ce tribunal n'a pas le droit de régler les conflits de compétence positifs.
Les conflits de compétence positifs
Le législatif libanais n'a pas donné au tribunal des conflits le pouvoir de régler les conflits de compétence positifs à l'instar de la loi française.
Les conflits de compétence négatifs
Ce conflit résulte de deux décisions (une décision émise par le tribunal administratif et la deuxième émise par le tribunal judiciaire) qui supposent que les deux tribunaux déclarent leur incompétence pour le même conflit.
Le conflit négatif exige l'intervention du tribunal des conflits qui désigne le tribunal compétent. Ce dernier doit respecter la décision du tribunal des conflits et déposer son rapport dans un délai de deux mois à compter de la date d'émission de la décision d'incompétence.
Les conflits de décisions
Le tribunal de conflit examine selon l'article 139 du Conseil d'Etat le conflit de décisions conduisant à un déni de justice. Il faut que:
- L'une des décisions soit émise par le tribunal judiciaire et l'autre par le tribunal administratif.
- Les deux décisions soient définitives (décisions rendues en dernier ressort ou non susceptibles de voies de recours ordinaires).
- Les décisions doivent statuer sur le fond du conflit, ayant un même objet, mais ni les adversaires ni les motifs ne doivent être les mêmes
- Une certaine contradiction soit présente entre les deux décisions émises par le tribunal administratif et le tribunal judiciaire.
- Un recours doit être présenté dans un délai de deux mois à compter du jour où la dernière décision soit définitive.
Le conflit de jurisprudence entre l'ordre judiciaire et l'ordre administratif
L'article 141 du statut actuel du Conseil d'Etat a donné au tribunal des conflits le pouvoir de régler le conflit de jurisprudence entre les tribunaux administratifs et les tribunaux judiciaires, ce qui ne figure pas dans la loi française. Le tribunal des conflits règle ce cas selon la loi sur demande du département des affaires dans le ministère de la justice. Sa décision n'apporte aucun gain ou aucune offense aux parties en conflit.
La procédure devant le tribunal des conflits
Le tribunal des conflits applique les codes stipulés par le Conseil d'Etat. Ses décisions ne sont susceptibles d'aucun recours.
Parmi les caractéristiques du procès auprès du tribunal des conflits, nous citons ce qui suit:
- Les procès auprès du tribunal des conflits sont faits par écrits. Les raisons et les revendications ne sont valables que si présentées dans les assignations et les pièces écrites. Le tribunal ne prend pas en considération que les documents joints au dossier.
- Les procès auprès du tribunal des conflits est inquisitoire c.à.d. que le conseiller rapporteur se charge d'ouvrir une enquête sur l'affaire contrairement au juge civil.
- A l'exception de la prononciation du jugement, les procès auprès du tribunal des conflits ne sont pas publics.
- La révision du jugement auprès du tribunal des conflits n'arrête pas l’exécution du jugement sauf si le tribunal décide ainsi sur demande de l'appelant vue qu'il peut être soumis à un dommage inévitable.
- Les décisions du tribunal ne sont susceptibles d'aucun recours.